En Février 2022, à deux mois d’être diplômé de l’université, je présentais mon projet de fin de baccalauréat. Alors que la crise climatique et l’éco-anxiété prennent de plus en plus de place dans nos vies, j’ai puisé mon inspiration dans ces enjeux propres à notre époque afin de créer mon œuvre « CÉRÉMONIE I ». L’installation va comme suit :
On entre dans la pièce. Les murs y sont noirs, drapés de rideaux de velours. Au centre de cet espace, où la lumière du jour n’est qu’un souvenir, sont disposés sur un socle recouvert d’un tissu blanc des vases difformes. Surplombant cet « autel », un crâne de bovin. La seule lumière éclairant cette installation provient d’une projection vidéo dirigée directement sur les vases ignobles. Ces vases sont des urnes contenant des cendres animales provenant des restes de bovins et de poulets issus de la production et de la consommation humaine. Quand on observe la vidéo, l’on peut y discerner des images d’abattoirs, les techniques utilisées pour mettre à mort ces animaux en vue de les consommer.
D’entrée de jeu, cette installation nous confronte, tant sur le plan sociétal que personnel. Ces animaux que l’on produit en masse afin de nourrir le plus de personnes possible devraient-ils avoir droit à de meilleurs traitements et qualité de vie? Faisons-nous les bons choix quant à notre système de production et de consommation des protéines animales? Sinon, comment le changer pour le mieux alors qu’en 2022, selon l’Organisation des Nations Unies, près de 10 % (en moyenne 735 millions de personnes) de la population mondiale souffre de la faim(1) et que cette population ne fait qu’augmenter?
Ce sont les questions que je me suis posées lors de la production de mon œuvre « CÉRÉMONIE I ». En puisant dans l’histoire de nombreuses anciennes civilisations, je me suis rendu compte que les rituels funéraires destinés aux animaux étaient monnaie courante. En effet, plusieurs animaux momifiés furent retrouvés lors de fouilles archéologiques en Égypte. Ces animaux que l’on considérait sacrés étaient adorés par la population égyptienne antique(2). Autre exemple : les Hurons-Wendats, traditionnellement animistes(3), offraient des sépultures à leurs chiens(4).
Tenant compte de ces informations, je me suis penché sur la question suivante : alors que les bovins et la volaille, ces animaux à qui l’on a retiré le statut de « bête sauvage », sont sacrifiés en masse tous les jours pour la survie et le confort de notre espèce, pourquoi notre société n’est-elle pas plus consciente et reconnaissante de cette réalité? C’est dans cette optique que je me suis lancé dans la récolte de restes d’animaux de consommation humaine, certains provenant de mes propres repas. Je me suis ensuite concentré sur la création de sept urnes funéraires en céramique ainsi que sur la production de la vidéo d’art. Dans l’installation finale de l’œuvre, sans pour autant prendre position, je présente au regardeur une opposition entre la noblesse et le respect, représentés par les urnes et le rituel funéraires, et l’infamie de la profanation de la vie représentée par les images crues de la vidéo d’art.