Imaginez un espace qui vous appartienne pleinement, un lieu de confrontation et de délibération relevant des seules autorités que sont l’Art et la Culture. Imaginez aussi l’appropriation d’un territoire par une identité culturelle, celle du Saguenay–Lac-Saint-Jean! Ça fait rêver n’est-ce pas? Voilà les concepts de départ de cette publication. Alors que nous étions de jeunes étudiants en histoire et en sciences politiques, nous cherchions des moyens de transmettre nos connaissances et nos passions à nos contemporains. Tour à tour nous avons touché la radio, l’éducation populaire et la parution d’articles. Tout cela semblait pourtant insuffisant ou incomplet pour nourrir notre rêve de communiquer notre enthousiasme. Plusieurs années de pérégrination nous ont séparés pour finalement nous réunir dix ans plus tard dans notre région natale avec toujours les même aspirations : Comment vivre en région lorsqu’on est artiste? Depuis près de trois ans que mûrissent ces idées dans la tête des deux rêveurs pragmatiques que nous sommes, nous avons tour à tour eu le projet d’un fanzine, d’une publication sous forme de livre et finalement avons poussé l’audace jusqu’au magazine. C’est donc avec joie et humilité qu’aujourd’hui nous nous lançons dans l’édition de la revue régionale d’art et culture Zone Occupée, en espérant vous faire partager un peu de notre folie.
Zone Occupée est une revue d’art et de culture actuelle biannuelle qui présente et analyse le travail des artistes de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Au-delà du simple magazine, elle s’impose comme outil de référence autant pour les jeunes artistes que pour les artistes professionnels qui œuvrent en région éloignée des grands centres. Se divisant en plusieurs sections traitant des arts et de la culture, chaque parution de Zone Occupée se veut une réflexion sociologique et artistique thématique axée sur le monde culturel régional. Le mandat que se donne Zone Occupée est de poser un regard nouveau sur les enjeux de la création en région et d’offrir une vitrine sur le travail des artistes d’ici. L’approche thématique de chaque numéro cerne et porte le débat au cœur des réalités du Saguenay–Lac-Saint-Jean à savoir : l’histoire, la ruralité, l’exode, la famille, le territoire, la nature, l’urbanité et même l’industrialisation. L’accent n’est pas mis sur une discipline en particulier, mais sur la présence et l’importance de la pluridisciplinarité des artistes que l’on retrouve chez nous. En plus de présenter le travail et la démarche artistiques de ces derniers, elle permet à des auteurs et critiques d’ici de débattre et d’analyser le travail de leurs pairs. La revue offre aussi une visibilité aux divers événements et expositions de tout genre. Finalement, par des retranscriptions de débats publics et des rencontres témoignages, Zone Occupée promet d’être un véritable lieu de discussion, d’échange et même de création.
« Il s’agit d’une publication qui désire offrir un espace déterritorialisé, que les artistes et acteurs culturels pourront investir et habiter afin d’y créer sans contrainte. »
En s’appropriant leur lieu de vie et en l’habitant à travers leurs démarches, les acteurs culturels enracinent profondément leurs œuvres dans le tissu social, culturel, historique et économique. Par cette « occupation » singulière du territoire, ils deviennent des vecteurs de changement et de réflexion et surtout des ancrages forts de l’identité des habitants du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Voilà ce que signifie dans un premier temps pour nous le terme zone occupée : une occupation peu importante à l’échelle démographique, mais qui est hautement significative dans sa portée identitaire et culturelle.
Dans un deuxième temps, zone occupée se réfère à un sens plus territorial et politique. Dans son Dictionnaire de la terminologie du droit international public, Jules Basdevant définit l’expression de la façon suivante : « Terme employé pour désigner la présence […] d’un État sur le territoire d’un autre État, sans que ce territoire cesse de faire partie de celui-ci ». Bien que courte, cette définition est porteuse d’un concept important : l’existence de deux entités contradictoires en un même lieu. Cette présence entraîne avec elle de véritables rapports de force qui soulèvent de sérieuses questions touchant l’identité, la spatialité et la temporalité. Une zone occupée peut ainsi se voir comme une situation instable et incertaine où la lutte au quotidien dresse les limites du monde actuel. Tout comme le souligne Pascal Nicolas-Le Strat, « l’occupation y joue alors un double rôl ; celui de contredire l’ordre établi de l’intérieur et celui d’y intégrer de nouvelles pratiques ». Le choix du nom vient aussi s’inscrire dans cet état d’esprit. Il s’agit d’une publication qui désire offrir un espace déterritorialisé, que les artistes et acteurs culturels pourront investir et habiter afin d’y créer sans contrainte. Bien qu’indépendante, cette zone doit être intimement liée et ancrée au territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour lui permettre à la fois de questionner le rapport entre les artistes et la région tout en y apportant une lumière nouvelle.
C’est vous, c’est nous, c’est l’artiste tout comme le néophyte. C’est toute personne qui s’intéresse de près ou de loin à l’art et la culture et qui désire connaître la démarche des artistes du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Mais c’est aussi différents acteurs du milieu qui se mobilisent afin de supporter ces artistes dans leur démarche. Car au-delà de la simple publication, il y a la volonté d’aider à la professionnalisation des créateurs émergents tout comme de ceux établis. C’est un ambassadeur à la fois d’une région et de ses entrepreneurs-artistes.
Zone Occupée n’aurait jamais vu le jour sans l’appui inconditionnel de nos partenaires. Sans eux, l’idée serait demeurée une idée. Nous tenons donc à les remercier sincèrement.
Bonne lecture !