Le connaissez-vous, Guillaume Tremblay ?, moi je le connais, Oh ! Oui !, je le connais, c’est un oiseau spécial, Guillaume Tremblay, c’est un saxophoniste.
Je le connais depuis des années, le pinson moqueur, je sais qu’il cherche quelque chose depuis longtemps, comme un chant, ou un son, quelque chose qui apaiserait son petit cœur battant vite allant fort criant doux ayant peur vibrant haut.
C’est qu’il n’est pas toujours à l’aise, le colibri, au milieu du chaos du monde et de sa bruyance de canons de moteurs et de gens qui hurlent. Pas à l’aise du tout même, il cherche un endroit où vivre en paix, tranquille ; un endroit où rutile l’amour vrai.
Lorsqu’il a commencé à apprendre l’instrument, au collège, à Alma, avec les autres pinsons, il a compris qu’il venait de trouver le sweet spot, comme une force intérieure immense qui déjà le transformait, déjà l’élevait. Lui qui avait toujours été un étudiant médiocre bien qu’intelligent, le solfège, tout à coup, le délivre de la norme et lui offre un nouveau langage. Ça le fascine. Il entre en musique comme on entre en religion, dévoué. Confession : musicien. Ça fait déjà ça de réglé.
Dès lors, l’instrument ne le quitte plus (sauf un soir d’ivresse, je crois bien qu’on parlerait d’un soir d’abus d’alcool fort, un soir où quelqu’un de malintentionné le lui volera, l’instrument ; mais son mentor le retrouvera dans un pawn shop, finalement, ouf câliss !, t’imagines-tu si j’avais perdu mon sax pour vrai ? De cette anecdote on ne parle plus beaucoup, histoire de ne pas s’attirer le mauvais sort.
Le pinson est curieux et la grande ville l’attire, il monte à Montréal pour côtoyer jazz, l’oiseau terrible, et l’université le rudoie. C’est qu’il est doux, le Guillaume, et que la compétition féroce – limite cruelle – de la métropole autant l’exalte, autant le détruit, le déprime, l’asphyxie. Après le bac, il quittera la ville pour ne plus y revenir jamais, à mon grand désarroi, parce que je l’aime l’oiseau moqueur.
Mais lui préfère les champs et les montagnes, et je comprends dès lors que je devrai l’aimer de loin.
Revenu en terres saguenéennes, la sarcelle compose, la sarcelle écrit, la sarcelle blow son horn. Débrouillarde et ingrate comme elle peut facilement l’être, elle ne s’entend pas avec tout le monde, disons, elle dérange, elle casse la baraque, elle exige, elle requiert, elle demande, elle questionne. Elle se fait mettre dehors du groupe des bardes – le musicien saguenéen est un oiseau féroce – mais elle l’a cherché, elle le sait, et elle est mieux dehors, peut-être.
C’est que l’oiseau parfois s’entête, veut faire les choses à sa manière, c’est plus fort que lui. C’est que ça brasse pas mal, dans la cage d’os, dans le cœur et la tête. Ça va et tout à coup ça ne va plus, ça va mieux et puis ça rechute, ça revient, mais ça repart. C’est essoufflant. L’oiseau est inquiet, anxieux ; il cherche l’apaisement du cœur mais ne trouve que la confrontation.
Puis, vient le jour où le pinson dit : « tiens, je suis prêt à me débarrasser de mon orgueil comme d’une vieille peau, je suis prêt à disparaître derrière Musique, je suis prêt ». C’est là que pinson s’approche du parvis et décide de retourner à l’église pour y prier à sa manière, pour y faire chanter Sola, l’ultime rossignol, pour y faire jouer Charles, le complice d’ailes. Et depuis l’instrument résonne dans les chapelles et les nefs, les sons s’élèvent, immenses, sacrés/pas sacrés, et l’on comprend que l’oiseau a trouvé son nid, mobile/immobile, ce n’est pas un endroit, son nid, c’est le chant du monde.
Le connaissez-vous, finalement, Guillaume Tremblay ?, moi je le connais, Oh ! Oui !, je le connais, c’est un oiseau spécial, le Guillaume, c’est un saxophoniste. Longue vie à l’amour, longue vie à l’artiste.