Étienne Boulanger partage son temps entre l’intervention psychosociale, l’enseignement des arts et sa production artistique. Intimement liés, ces champs d’intérêt se nourrissent et s’entremêlent pour tendre vers un art engagé, communautaire, vecteur de changement social. Il entretient une démarche de création solidement ancrée dans la nordicité et ses œuvres utilisent abondamment la nature boréale pour construire des paysages audacieux, précaires et merveilleux qui bouleversent l’apesanteur.
Artiste en arts visuels, commissaire d’exposition, chargée de cours à l’UQAC et étudiante au doctorat en Études et Pratiques des arts à l’UQAM, Julie Andrée T. consacre sa recherche doctorale autour du dépaysage et des principes esthétiques qui en émergent. Reconnue à l’international comme artiste interdisciplinaire, elle quitte Montréal en 2008 pour s’installer dans la région de Charlevoix-Est afin de poursuivre sa pratique. De 2008 à 2011, elle enseigne à la School of Museum of Fine Arts de Boston comme professeure invitée. À son retour, elle entame une maîtrise en recherche création à l’UQAC qui portera sur les thèmes de la mort, du paysage et du sublime. C’est au printemps 2020, à la demande et en collaboration avec la municipalité de Saint-Siméon qu’elle met en place le concept et la structure du Centre Inouï dont elle assure la direction artistique en complicité avec une équipe locale.
L’arbre revient fréquemment dans le travail de Boulanger qui le déracine, le trimbale, le coupe, le défigure et qui va jusqu’à le dépayser. Un jour, lors d’un festival de performance en Pologne où nous y participions individuellement, il sortit fièrement un sapin d’un tube de carton qu’il avait réussi, à l’insu des douaniers, à exporter par avion du Canada. Faut-il spécifier que les conifères qu’il utilise ne sont ni artificiels, ni des représentations ? Ils sont, en effet, bien réels. Dans la pratique de l’artiste, l’arbre est comme son binôme, celui qui lui donne la réplique, qui l’assiste dans ses manœuvres périlleuses et qui incarne la forêt et plus largement le territoire boréal. Figure iconique qui s’enracine dans les profondeurs du sol, il est présent dans toute sa splendeur et son imposante rigueur. Si « les signes sont vivants » tel que l’affirme Eduardo Kohn dans son livre Comment pensent les forêts : vers une anthropologie au-delà de l’humain (2017, p. 61), la forêt est dans ce cas plus qu’un contexte de création ou un décor cinématographique. Elle s’active dans Récits de trappe et autres situations −telle une actrice interprétant son propre rôle– comme une présence autobiographique qui enlace les autres personnages d’un mouvement de bienveillance, mais aussi d’une force redoutable. Elle porte un regard sur l’homme esseulé qui d’un air incertain la traverse. Elle guide la confrérie dans sa marche chorégraphiée et l’accompagne dans ses opérations concertées. Sa présence est forte et charismatique, sa voix enveloppante et hypnotique.
(1) Berque, Augustin (2006). Mouvance: du jardin au territoire : soixante-dix mots pour le paysage (Vol. II,). Éditions de la Villette, Paris.
(2) Boulanger, Étienne (2016). La tension narrative en art performance avantage mécanique/La loi du récit. [Mémoire de maîtrise, Uqac]. Constellation. https://constellation.uqac.ca/id/eprint/3982/1/Boulanger_uqac_0862N_10209.pdf
(3) Chazal, Gérard. « Les machines de Léonard de Vinci comme vision du monde », e-Phaïstos [En ligne], IX-1 | 2021, mis en ligne le 27 avril 2021, consulté le 02 mai 2023.
(4) Descartes René, & Bridoux André. (1966). Œuvres et lettres (Ser. Bibliothèque de la pléiade, 40). Gallimard, Paris.
(5) Kohn, Eduardo (2017). Comment pensent les forêts : vers une anthropologie au-delà de l’humain. [Bruxelles, Belgique] : Zones sensibles.
(6) Verwoert, Jan. (2006). Bas jan Ader: In search of the miraculous, Mitpress, Cambridge, MA.