Il y a un peu plus de 2 400 ans, Aristote écrivait dans Les politiques : « Il est évident que l’homme est un animal politique, plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire ». Bien que deux millénaires nous séparent de lui, son intuition, ou sa science à ce sujet, s’avère tout aussi pertinente aujourd’hui. Nous sommes des êtres grégaires et sociables; c’est un fait incontestable. Nous ne pouvons guère vivre sans l’Autre. Et pourtant, nous sommes aussi des êtres de solitude. C’est l’expérience humaine qui faisait dire à ce même Aristote que nous sommes politiques, mais c’est elle aussi qui, plus récemment, a fait dire à Sartre que « l’enfer c’est les autres ». L’auteur de Huis clos cherchait alors à exprimer la relation conflictuelle entre les consciences. Pour exister en tant que sujet, nous devons objectiver l’autre. Ainsi, nous avons fait de notre façon d’occuper l’espace en présence de l’autre un marqueur d’identité. Mais des évènements particuliers, comme les pandémies par exemple, viennent chambouler l’ensemble de nos interactions sociales, affectives et professionnelles car ils nous obligent à reconsidérer nos distanciations. Et elles ne sont pas que physiques. C’est un des apprentissages que nous devons en tirer. Notre schéma de pensée se construit au travers ces distances entre nous qui créent parfois des éloignements ou des abîmes, mais aussi des proximités et voire des contingences. L’espace que nous occupons n’est pas que matériel; il est social, intellectuel, critique, artistique, territorial, idéologique, culturel, émotif et générationnel. Nous vivons dans chacune de ces dimensions et chacune d’elles crée des rapports de distanciation qui affectent nos vies, nos psychées, nos corps. De la solitude à la multitude, il n’y a qu’un écart. De l’éloignement naîtra peut-être alors cette empathie qui nous fait si souvent défaut. Car il ne fait plus aucun doute qu’aujourd’hui existe une vaste fracture dans nos sociétés qui fait de nous des étrangers l’un face à l’autre. Pour le vingtième numéro de Zone Occupée, nous vous proposons de vous inspirer de ces réflexions sur la proxémie ou la distance.

 

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