La nourriture est centrale dans la production artistique et culturelle des sociétés. Nous la retrouvons constamment comme élément principal ou secondaire dans la création artistique. Sa représentation est omniprésente de tout temps, dans tous les courants et particulièrement dans de nombreuses disciplines depuis le XIXe siècle. Comme une forme d’accélération. Des futuristes à aujourd’hui, la nourriture, dans toutes ses formes et stades de transformation, mobilise l’attention des artistes tant du côté des arts visuels que des arts vivants. Source de vie, d’intoxication, de dérive scientifique ou encore d’accessibilité, la nourriture et de surcroît la gastronomie provoque moulte résonance au cœur de la production artistique. Un sujet de société, d’économie et de politique.
Au Canada, 58 % de la nourriture est jetée tout au long de la chaîne alimentaire, de la fourche à la fourchette, pour un total de 35,5 millions de tonnespar année. La sédentarisation de l’humain visait à s’assurer une survie de l’espèce humaine par une gestion efficace des ressources environnantes. Quelque 11 000 ans plus tard, nous en sommes, en occident, à produire en masse avec des coûts environnementaux et sociaux énormes des quantités de nourriture que nous gaspillons et laissons pourrir.
Nous opposons systématiquement la bonne nourriture à la pourriture qui elle en est l’altération par décomposition des chairs. Mais en fait, la ligne entre les deux est loin d’être clairement tracée. Plusieurs plats emblématiques de la gastronomie sont le résultat d’un processus de pourriture. Le kimchi, la sauce poisson, fromage bleu, la choucroute, la charcuterie et bien d’autres. En fait, tout ce qui fermente est pourriture. En viticulture, on parle même de pourriture noble. Bien que dégoûtante, la pourriture est nécessaire à la vie tout comme la nourriture l’est à son maintien. En quelque sorte, la nourriture anime la vie et la pourriture en nettoie la mort. Elle rythme la vie sociale et la temporalité au moins 3 fois par jour. La gastronomie fait appel à l’aspect artistique de l’alimentation alors que la pourriture sa perversion. Mais tout est une question d’altération du beau et du bon et du regard que l’on y porte. Il en est de même de la création artistique.